dimanche 8 février 2009

Saül - Taciturne

Dans Le Temps du 13 juin 1942, Robert Kemp consacre un long article à la publication du Théâtre de Gide (Saül, Le Roi Candaule, Oedipe, Perséphone, Le Treizième arbre) aux Editions de la NRF *.
Le critique voit un lien de parenté entre le Saül de Gide, écrit en 1896, et Un Taciturne de Roger Martin du Gard.

[...] A moins d'une erreur grossière de ma part, le Saül de Gide est le frère aîné du Taciturne de son ami M. Roger Martin du Gard. Vous vous souvenez de cette comédie très particulière que beaucoup de spectateurs trouvèrent fâcheuse et qui déchaîna les foudres de M. Paul Claudel. ? Il s'agissait d'un monsieur fort raisonnable jusqu'à sa maturité, d'un puritain, d'un chaste, qui, découvrant sur le tard en lui des tendances qui l'épouvantent, ne peut plus contempler son coeur et sa pensée sans dégoût, et se donne la mort pour rester normal... [...]

Quelles sont ces foudres de M. Paul Claudel ? Alors qu'Alain Jouvet allait monter L'Annonce faite à Marie, il reçoit de ce dernier une lettre partiellement citée dans la Correspondance Jacques Copeau-Roger Martin du Gard (15 novembre 31, t. II, p. 509) : " Puisque vous éprouvez tant de satisfaction à consacrer votre art à l'immonde écrivain dont je ne veux même pas me rappeler le nom, je pense que vous n'en n'auriez aucune à monter L'Annonce faite à Marie. Je vous conseille donc de demander à M. Fouilloux de vous dégager. Vous aurez ainsi plus de temps à consacrer à vos exhibitions pédérastiques. "

La réaction à cette charge de l'Ambassadeur de France à Washington il faut la chercher dans deux lettres à Jacques Copeau adressées par Roger Martin du Gard les 5 et 8 décembre 1931 :

[...] Voilà ce que ton très chrétien ami Claudel a cru bon d'écrire à Jouvet. Je lui pardonne ses offenses, mais je t'avoue que j'en ai pleuré. Tout, tout me sépare de Claudel. Mais je l'estime, et le tiens pour pour l'un des plus grands d'aujourd'hui.[...] J'ai attendu que le crachat soit sec, et au premier coup de brosse, il n'en est rien resté... Après tout, un crachat de Claudel, c'est encore du Claudel ! [...]


* L'article complet de Robert Kemp est reproduit dans le BAAG n°161 janvier 2009.

dimanche 1 février 2009

La N.R.F a cent ans








Fondée par André Gide, Jean Schlumberger, Jacques Copeau, Marcel Drouin, Henri Ghéon et André Ruyters le vrai premier numéro de la Nouvelle Revue Française voit le jour le 1er février 1909 : un siècle ! Pour qui veut suivre la création et les premiers pas de la jeune revue, comprendre ses choix esthétiques la somme d’Auguste Anglès « André Gide et le premier groupe de La Nouvelle Revue Française » publiée en trois volumes entre 1978 et 1986 fait autorité :


" La formation du groupe et les années d’apprentissage 1890-1910 "

" L’âge critique 1911-1912 "

" Une inquiète maturité 1913-1914 "


Considéré par ses pairs comme un des membres authentiques du premier groupe, Roger Martin du Gard qui ne collaborera jamais à la Revue, intègre la sphère en 1913 : « […] Alors j’ai écrit à Gallimard qui dirige avec Schlumberger les éditions de la Nouvelle Revue Française (couverture crème, encadrement noir et rouge) sous le haut patronage d’André Gide […] et c’est Schlumberger qui a reçu le manuscrit […] C’était la première fois que j’entendais mon bouquin résonner dans le cœur d’un type qui ne me connaît pas. Tu juges de ma joie. » Lettre à Pierre Margaritis, 3 juillet 1913. Journal I, p. 411-412.